Le président LR de la commission des Finances de l’Assemblée, ancien ministre du Budget, critique la promesse de « paradis artificiels » que constitue, notamment, l’éventuelle annulation de la dette Covid.

Il appelle à des réformes de structure pour bâtir une « croissance nouvelle » avec de « bons emplois ».

L’exécutif gère-t-il bien la crise économique ?

Pour ce qui est du plan de relance ou des finances publiques, on verra dans le temps. Mais l’urgence a été gérée assez efficacement. A part les toutes premières semaines un peu compliquées sur le chômage partiel ou les listes de secteurs à la Prévert dont beaucoup avaient au départ été oubliés, l’administration s’est bien mise en mouvement autour du soutien à l’économie, de manière plus efficace que l’administration de la santé.

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas encore des sujets à traiter. Il faudrait une allocation temporaire de crise pour les jeunes, transformer une partie des PGE en fonds propres, orienter le surplus d’épargne vers la consommation mais aussi vers le financement des PME. Il faut aussi se pencher sur la question des cautions personnelles qui pèsent et qui mettent en danger beaucoup de gens.

Comment sortir du « quoi qu’il en coûte » ?

Pour l’instant, il n’y a pas d’autre choix que d’aider les secteurs en difficultés. Ensuite, au fur et à mesure du temps, il faudra retirer les béquilles et revenir à une vie économique non artificielle, mais les retirer brutalement serait économiquement idiot et humainement insupportable. C’est un retour d’expérience de la crise de 2008 : il faudra débrancher les aides tout doucement et précautionneusement, dans le tempo de la sortie de crise – j’espère dès cet été lorsque la plupart des Français seront vaccinés , si l’on en croit le président de la République. Il faudra aussi le faire de façon compatible avec le redressement de nos finances publiques et la nécessité absolue de la maîtrise de nos dépenses.

Le débat fait rage sur la dette Covid. Que proposez-vous ?

D’abord d’éviter de se fourvoyer dans des chemins impossibles. Les paradis artificiels, c’est un très beau texte de Baudelaire mais ce n’est pas un texte économique. Et les réveils sont souvent extrêmement douloureux. Au-delà du fait que c’est interdit par les traités, annuler la dette comme un coup de gomme serait extraordinairement dangereux. Ce serait attaquer durablement l’euro et donc laisser entrevoir une sortie de la monnaie unique. La dette perpétuelle, proposée par d’autres, c’est un problème de coût. Payer perpétuellement en rente quelque chose qu’on pourrait payer moins cher n’a aucun sens. Enfin, certains appellent à cantonner la dette. Ce ne serait rien d’autre qu’un bidouillage avec, à terme, une augmentation de l’impôt. Mais en réalité, le vrai problème de la France, ce n’est pas la dette Covid , qui est surmontable. C’est la dette tout court qui est chronique. Plutôt que chercher à contourner les choses, mieux vaut affronter une situation qu’on a en partie créée.

Alors que faire ?

Il faut d’abord prier pour que les taux d’intérêt n’augmentent pas dans les années qui viennent. Mais la seule solution, à terme, c’est de tout faire pour augmenter durablement la croissance potentielle du pays, en respectant les équilibres sociaux et les impératifs environnementaux. C’est le moment de bâtir une croissance nouvelle en créant de « bons emplois » qui donnent à chacun plus de perspectives personnelles, de développement de carrière et d’épanouissement. Cela nécessite d’investir dans tous nos territoires pour réduire les inégalités : dans l’innovation, dans les systèmes de formation et de fluidifier beaucoup plus le marché du travail. La crise a aussi mis en lumière l’utilité sociale de nombreux emplois qui ne sont pas assez payés, il faut engager une vraie réflexion sur le sujet. Il faudra surtout faire des choix pour maîtriser la dépense publique en faisant bien la différence entre la dépense d’investissement et la dépense de fonctionnement. Pourquoi ne la fait-on pas pour l’Etat, comme c’est le cas pour les collectivités locales ?

Ce n’est pas très sexy, mais une évolution de la loi organique des finances publiques est indispensable, ainsi qu’un débat annuel au Parlement sur la dette, composée majoritairement de dépenses de fonctionnement. Si on veut investir, il faut les réduire et prioriser les dépenses. Ce qui doit passer par un changement structurel et des réformes de fond, dont force est de constater qu’elles n’ont pas pu encore être faites. Il faut reprendre la réforme des retraites en revenant à des choses plus réalistes, le gouvernement s’étant mis dans une impasse avec une réforme incompréhensible et inapplicable. Il faut réorganiser nos dépenses sociales pour qu’elles soient plus justes. Et il faut décentraliser. Alors que cette crise a montré qu’il fallait décider au plus près du terrain, elle s’est soldée par une reconcentration des prises de décision.

Voulez-vous dire que votre parti doit se concentrer sur les réformes de structure plutôt que défendre une hausse des salaires ?

L’augmentation du revenu et du pouvoir d’achat, c’est surtout un résultat. C’est plus compliqué à dire, mais la droite a le devoir de dire la vérité aux Français. Et la vérité, c’est qu’il faut engager un faisceau de réformes pour augmenter la croissance collective. C’est le moyen de rendre les Français plus heureux et le pays plus serein. La première priorité, pour cela, c’est de rompre avec la spirale du chômage de masse : il faut donc plus d’heures de travail, ce qui ne veut pas dire nécessairement augmenter le temps de travail mais augmenter le volume d’heures travaillées par la diminution du chômage. C’est aussi de mieux respecter les équilibres sociaux et sans doute d’éviter des fragmentations qui sont un frein considérable à la croissance. Et s’il faut acquérir des souverainetés, ce n’est pas par le souverainisme , qui est à droite ce que le populisme est à gauche.

Guillaume Peltier, le numéro deux de LR, propose une « règle d’or anti-gaspillage », selon laquelle l’Etat s’engagerait à lutter contre les fraudes…

Je pense surtout que, parfois, le silence est d’or. En France, on se plaît dans la création de règles ou d’organismes qui ne règlent jamais rien alors qu’il faut s’attaquer au fond des crises. C’est plus difficile, certes, mais nettement plus efficace.

Louis Gallois propose un « impôt de solidarité » pour les plus aisés le temps de la crise. Y êtes-vous favorable ?

Je comprends que ça puisse être une mesure symbolique mais je ne suis pas sûr qu’il faille enfourcher tous les symboles. Parce que c’est aussi le symbole d’un pays instable et qui traite mal ceux qui veulent investir. Il faut absolument stabiliser notre fiscalité plutôt qu’inventer des impôts nouveaux tous les jours. L’outil fiscal est usé jusqu’à la corde et on n’a pas de marge de manoeuvre pour une augmentation des impôts .